Philippe Besson : "On a posé brique après brique"
HANDBALL/STARLIGUE Philippe Besson quitte le C'Chartres MHB après un très long bail de dirigeant
Président puis directeur général du C'Chartres MHB pendant plus de trente ans, Philippe Besson va quitter ses fonctions à la fin du mois. Pour l'occasion, il se replonge dans ses souvenirs marquants, et livre quelques anecdotes et confessions.
Au soir du 7 juin, lors du dernier match de championnat, il n'a pas souhaité être mis en avant lors de la cérémonie de fin de saison, au Colisée. Le départ de Philippe Besson (68 ans) sonne pourtant la fin d’un très long chapitre du CCMHB, où il aura joué un rôle central pendant plus de trente ans. À la reprise, il sera remplacé par l’ancien international Stéphane Plantin.
Romain Léger ( L'Echo Républicain) : "Votre plus grande fierté ? »
Philippe Besson : Au-delà des rencontres humaines, des liens tissés, c'est le parcours global. On est parti de nulle part. On a posé les briques les unes après les autres, on a laissé sécher la colle et même s'il y a encore de la déco à faire, la maison a des fondations, un toit et des murs solides. . Je ne l’ai pas fait tout seul. On a fait ça collectivement. On a été très bien aidé, sinon on n’y serait pas arrivé. Il y a plein de gens qui sont toujours là, d’autres sont partis pour des raisons diverses ou variées, parfois fâchés. J’ai toujours tout fait pour le bien du club, pas pour le mien.
RL : "L’équipe que vous avez préférée ?»
PB : Celle de la montée en 2015 restera speciale pour moi. Les mecs venaient d'horizons différents, je les ai mis ensemble, et ils se voient toujours aujourd'hui, c'est fort. Ils m'envoient des photos, certains m'appellent à minuit ou à 2 heures du matin quand ils font la bringue ! Il y avait des gens vraiment bien dans ce groupe. Même s'il y en a aussi eu plein d'autres avant et après. Eux, ce u'ils ont fait au printemps 2015, c'est exactement ce que j'attends des joueurs. Ils ont été perdus pendant 2-3 mois et ils se sont pris en main grâce a l'investissement de certains. Pour moi, c'est le
truc le plus satisfaisant.
RL : « Votre plus gros coup de gueule ? »
PB : Pour réveiller les joueurs, la saison où on s'est séparé de Toni Gero na (2022-2023), ça a été compliqué ... Ils revendiquaient des choses. OK on
a change, mais derriere la réaction n'a pas été immédiate. Après, ce n'est pas mon style de gueuler. Je préfère les prendre le lundi ou le mardi, leur dire ce que j'ai a leur dire, calmement. Argumenter. Je n'aime pas rentrer dans le vestiaire et hurler. Ça ne veut pas dire que je n'ai pas hurlé une fois ou deux, mais ce n'est pas ma façon de faire.
RL : " L'entraîneur qui vous a le plus marqué ?"
PB : C'est compliqué ... Celui qui est devenu un de mes amis les plus proches, mais ça ne vous dira rien, parce que c'était il y a longtemps, c'est Vincent Rongeot. Apres, même si ca ne s'est pas termine comme ca aurait du, Jeremy Roussel est quelqu'un de bien. Techniquement et tactiquement, il était très fort.
RL : " La plus grande émotion ?"
PB : Sur le coup, ce n'était pas une émotion positive. C'était dans les tribunes de Mulhouse (ndlr : finale retour des play-offs de D2 2015) quand on commençait à se faire remonter, qu'on était a -8. J'ai été obligé de sortir de la salle, parce que c'était le début de mes problèmes cardiaques et je me suis dit : "Si je reste la, je vais clamser". Et je suis revenu a la fin du match. Apres, parmi les émotions positives, il y a eu toutes les accessions. Mais a la limite, pour moi, chaque victoire était une émotion positive. C'est à la fois un avantage de connaître le jeu, mais c'est aussi un désavantage. Souvent, je me dis que j'aimerais mieux ne rien y connaître, je me ferais moins de nœuds au cerveau !
« Déçu de la saison »
PB : Sur la saison écoulée, terminée à la 12e place, Philippe Besson se dit globalement déçu, tout en apportant certaines nuances : « Contrairement à ce qui s'est raconté, il n'y a pas eu d'inquiétude pour le maintien. Mathématiquement ce n'était pas fait et la probabilité n'était pas nulle, mais vu notre avance, ca aurait ete un truc completement lunaire. Après, sur la saison, je suis déçu. On a fait le boulot jusqu'à Noël, avec 12 points. Si tu multiplies par deux, ça fait 24 et ça aurait été une saison correcte. Ça ne l'a pas été pour plein de raisons. Pourtant, sur le papier, on avait une des meilleures, si ce n'est la meilleure équipe qu'on n'a jamais eue. Tous les postes étaient renforcés. Le tournant, c'est le match a Toulouse. On perd d'un but et on perd Carvalho, qui était à 8/8 à 10 minutes de la fin. S'il reste sur le terrain, on gagne [ ... ] Après, il faut mettre les choses en perspective : on est dans le troisieme tiers du championnat depuis le debut, et ca correspond a notre budget. Il ne faut pas oublier aussi qu'on a des adversaires qui travaillent, qui progressent. »
RL : « Le transfert qui a failli se faire »
PB : Il y en a eu beaucoup trop ! J'aurais bien aimé que Valentin Porte finisse sa carrière à Chartres. J'ai contacté son agent, mais il venait de resigner à Montpellier. Maintenant, je pense sincèrement que c'est trop tard. Il aura 37 ans dans deux ans.
RL : « Le joueur le plus fort passé par Chartres ?»
PB : Il faut mettre ca en rapport avec le niveau de jeu. Je pourrais dire Raoul Prandi, mais c'etait en N2 ou N3. Fabio Magalhaes (2017-
2018, D2), c'était un sacré joueur tout de même. On n'a pas pu le retenir ... Derrière, il a fait une belle carrière à Porto et en équipe nationale. Apres, en D1, on a eu beaucoup de bons joueurs. Aujourd'hui, Carvalho et Moreno, ce sont de sacrées recrues
RL : « La plus grosse déception ? »
PB : L'élimination des play-offs en 2018, où on perd de huit buts à Sélestat, alors que sur le terrain il y avait Molinié, Magalhaes, Basic, Detrez, Feutrier, Kieffer ... C'etait impensable de pas monter cette année-là.
RL : « Le recrutement dont vous êtes le plus fier ? »
PB : Celui qui a tout declenche, c'est Raoul Prandi, en 2003. Apres sont arrives Mourad Khabir, Sasa Mitrovic, Ghennadii Solomon ... On a enclenche la pompe. Par rapport a l'evolution de notre projet, c'est Raoul le plus important. Par contre, quand j'ai reussi a faire venir Edin Basic (2017-2018), j'étais super content. Je ne pensais pas qu'on pourrait un jour attirer un joueur de ce calibre.
RL : « L'erreur que vous regretterez ? »
PB : Il y a eu des erreurs. Dont une me vient à l'esprit, mais dont je ne parlerai pas, je ne veux pas citer de nom. Les remords ou les regrets, ce n'est pas trop mon truc. Mais oui, j'ai fait des erreurs de recrutement, aussi bien sur des joueurs que des entraîneurs.
RL : « La plus grosse fiesta d’après-match ? »
PB : Après Mulhouse, ça a été dur ! (rires). Ça a duré deux jours, j’ai eu mal à la tête ! En dehors des occasions-là, je pense que ce n’est pas la place des dirigeants ou de l’entraîneur d’être avec les joueurs quand ils sont dans les moments de détente. Et puis j'ai 68 ans, eux 20 ans, il y a des limites a tout !
RL : « La décision la plus difficile à prendre ? »
Je n’ai pas envie d’en parler, ça ferait trop plaisir à celui qui est concerné ou à son entourage. Et comme ça c’est très mal passé après… Chaque fois qu'il a fallu se separer d'un entraîneur, même de certains joueurs, ça a toujours ete difficile. Même si j'étais persuadé qu'il fallait le faire. Parce que des liens se sont noués et il faut faire abstraction de l'affect.
RL : « La salle de Starligue que vous préférez ? »
PB : En dehors de la nôtre, évidemment, je dirais celle de Chambery. Parce que c'est le club de ma région natale et que c'est un club sur lequel on peut prendre exemple sur plein d'aspects. La salle n'est pas beaucoup plus grande que la nôtre, sauf que c'est 4.200 supporters qui sont derrière leur équipe du début du match jusqu'à la fin, du début de la saison jusqu'à la fin. Chez nous, le public a sifflé lors d'un match. Ça, c'est intolérable. Ces gens ne méritent pas d'avoir une équipe à ce niveau-là.
RL : « Le joueur qui vous a fait le plus rire »
PB : Alors ça va surprendre, parce que les gens ne le connaissent peut-être pas sous cet aspect, mais c'est Rémi Feu- trier. Un clown de chez clown.
RL : « Ce qui va le plus vous manquer ? »
PB : La relation avec les joueurs. C'est ça le plus intéressant. La relation avec les dirigeants, les bénévoles, je la garderai, puisque je continuerai à venir aux matches. Mais je ne serai plus au cœur de l'équipe avec les joueurs et ça va me manquer. Toutes ces années, j'ai appris à les connaître, parfois c'était mieux que ce que je pensais, parfois moins bien, c'est la vie !
SES Équipes :
Handball : Bomastar -Onufriyenko, Basic, Magalhaes, Kieffer, Moreno, Tribillon. Def : Bertrand.
Cœur : Astruc - Mitrovic,Mongin, Molinié, Monnier, Cherlanc, Karsenty. Def :Paillasson.
